La Déferlante, « la revue des révolutions féministes », publiait dans son numéro d’août un long entretien entre l’essayiste Mona Chollet et la dessinatrice suédoise Liv Strömquist. La rencontre entre ces deux autrices à succès ayant en commun d’avoir « amené des milliers de femmes au féminisme » ne saurait surprendre les lecteurs du livre de Chollet Réinventer l’amour. Comment le patriarcat sabote les relations hétérosexuelles (éd. La Découverte, 2021), dans lequel Strömquist est revendiquée comme une influence majeure. C’est dans les bandes dessinées de cette dernière que l’essayiste française a découvert qu’il était possible de décrire la manière dont les conditionnement sociaux fabriquent nos sentiments et nos attitudes face à l’amour, sans tomber dans le piège de la caricature : « Elle m’a persuadée qu’il valait la peine de braver le risque de colporter des clichés ; que, tout en gardant à l’esprit leurs limites et leurs exceptions, on pouvait tenter de dégager et d’analyser les grandes lois de l’amour hétérosexuel. Elle m’a montré le bien que cela pouvait faire de voir étalées sur la page des situations que l’on vivait auparavant dans la solitude et la confusion. » (Chollet citait du reste d’autres autrices de BD : Sophie Lambda, pour Tant pis pour l’amour (Delcourt, 2019), Emma pour La Charge émotionnelle et autres trucs invisibles (J’ai Lu, 2018) et Aurélia Aurita pour Fraise et chocolat.)
Dans les pages de La Déferlante, les deux femmes confrontent leur parcours personnel : pour Chollet, celui d’une journaliste qui a peu à peu pris conscience de son féminisme et qui a lutté pour se libérer de certains conditionnements dans sa vision de l’amour et sa relation aux hommes ; pour Strömquist, celui d’une femme qui a d’emblée affirmé une radicalité féministe dans son travail, considérant l’amour hétérosexuel comme relevant par essence d’une domination, mais qui, en vieillissant, à « commencé à voir l’amour différemment » et à « devenir plus romantique ».
Strömquist évoque la prise de conscience des éditions Galago qui, chaque année, publiaient une anthologie de la bande dessinée alternative suédoise, sans jamais y inclure de femme. Quand la maison s’en est avisée et a changé de politique, « en l’espace d’un ou deux ans il y a eu énormément de dessinatrices de BD en Suède ». Jusqu’à ce que, en 2009, Galago instaure une stricte parité femmes-hommes dans son programme éditorial.
C’est une étude comparative sans doute pleine d’enseignements mais qui reste à mener, que de regarder, pays par pays, comment, à quel rythme et sous l’effet de quelles initiatives la féminisation de la profession s’est accomplie.