Dans la lettre quotidienne de Livres Hebdo en date du 9 décembre, un lien renvoyait vers un article de Pauline Gabinari présentant la « Webtoon Academy » qui avait ouvert ses portes une semaine plus tôt. Il s’agit d’une nouvelle formation, d’une durée de treize semaines, dispensée à Angoulême, un cursus intensif destiné à former de jeunes dessinateurs et dessinatrices aux arcanes du webtoon, selon des méthodes venues de Corée mais dans une perspective mondialisée.

Cette Academy a été montée par la directrice de la plateforme de webtoons Ono, en lien avec la société de production coréenne Kenaz et avec la société française Ellipse Studio (elle-même partagée entre Paris et Angoulême), mais surtout, précise l’article, « sous l’égide de Média Participations ». Lisant cela, il m’est revenu en mémoire le fait que ce même groupe (qui comprend notamment Dargaud, le Lombard et Dupuis) avait ouvert en 2017, dans la ville de Charleroi, une autre formation innovante (« artistique, théorique, technologique et pratique »), un « émulateur de héros et de projets transmédias » baptisé R/O Institute. Il est impossible de savoir ce qu’est devenu ce projet qui, probablement, a fait long feu, les seules informations que l’on puisse trouver en ligne datant de sa création (je remercie par avance quiconque pourrait m’en dire davantage sur le sort qu’il a connu). Cette nouvelle initiative, sept ans plus tard, atteste que Média Participations reste très vigilant sur les évolutions que connaît le monde des fictions dessinées dans l’univers médiatique contemporain, et se montre soucieux de ne rater aucun tournant.

Avant de se poser à Angoulême, Kenaz – dont le site officiel m’apprend qu’elle fonctionne sur le mode du studio et emploie quelque 135 créateurs de webtoons sous contrat d’exclusivité ainsi que 49 producteurs, et que son chiffre d’affaires à l’exportation s’est élevé en 2023 à plus d’un million et demi de dollars – a précédemment ouvert de semblables Academy à Tokyo, en Indonésie et au Vietnam, et prévoit de faire prochainement de même à Saint-Pétersbourg.

Livres Hebdo précise encore que, selon une étude commandée par l’ambassade de France en Corée, l’industrie mondiale du webtoon aurait réalisé en 2021 un chiffre d’affaires global supérieur à 1 milliard d’euros et « envisage d’ici 2030 de le multiplier par trente, voire quarante » !

Une chose m’a beaucoup amusé dans cet article. Il est accompagné de plusieurs photos. L’une d’elle montre « le bâtiment où est installé la Webtoon Academy », sans préciser qu’il s’agit du bâtiment de Roland Castro aujourd’hui connu sous le nom de « Vaisseau Moebius » et qui fut le siège historique du Centre national de la bande dessinée et de l’image dans les années 1990. Une autre photo montre la salle de classe de l’Academy, dans laquelle un formateur coréen dispense un cours de storyboard. On peut y voir, sur la droite, un portrait d’Alain Saint-Ogan, le créateur de Zig et Puce, décédé en 1974, l’année où naquit le festival de la bande dessinée d’Angoulême. Il se trouve que je connais bien et cette salle – pour y avoir participé à de nombreuses réunions dans le cadre de mes fonctions au CNBDI –, située au 5e étage, et cette photo, car il s’agit d’un tirage qui avait été réalisé pour l’exposition Saint-Ogan l’enchanteur que j’y avais montée en 1995, et que l’on avait conservé comme élément de décor.

(photo Olivier Dion)

Il est peu probable que notre enseignant coréen sache qui était ce monsieur qui le regarde à travers ses lunettes. Et l’on peut trouver piquant de voir confronter, deux mètres de distance, ces personnages incarnant des états du neuvième art à un siècle de distance.